Partie, comme d’autres, à la rencontre de ses « origines », la franchise X-men retrouve en fait son point de départ, soit, et ce n’est quand même pas rien : la Shoah. Dans un camp, le cri d’un enfant qu’on arrache à ses parents fait se tordre les barreaux de la lourde porte de fer qu’on vient de fermer entre eux et lui : l’enfant, en fait, est un mutant, plus tard sous le nom de Magneto il tirera de ce traumatisme le projet de détruire l’humanité en général. X-men, le commencement reprend presque à l’identique la séquence qui ouvrait le premier volet, mais s’y attarde un peu plus. A la fin de ce préambule, une pièce est jetée en l’air par le Nazi qui vient d’exécuter, sous ses yeux, la mère du futur Magneto. Côté pile, une croix gammée qui, côté face, devient le « X » à partir duquel se déplie le générique. De la pièce et de ses deux faces, deux pistes, contradictoires, se déduisent. La première postule l’équivalence entre les deux faces : la colère de la victime la transforme à l’image de son bourreau (et de toute façon le Nazi, apprend-on, était lui-même un mutant), nourrit le même fantasme de race supérieure, le même horizon génocidaire. La seconde voit dans la face « X-men » la pacification de la leçon bien comprise. Soit : la voie terroriste (les mutants méchants de l’école Magnéto) vs. la voie de l’intégration (les mutants gentils de l’école du professeur X).
Autant dire que, parti de là, le film ne ménage pas ses efforts au rayon paraboles. C’est le charme de la série depuis le début, qui, visant l’allégorie globale sur les minorités opprimées, s’offre en parabole de tout et n’importe quoi, avec une modestie égale à cette délirante ambition. La version de Matthew Vaughn (qui était aux manettes du plutôt stimulant Kick-ass) voit à la fois plus grand et plus petit, et c’est son mérite. Plus grand : le « commencement » est ici prétexte à préciser le gentil manuel de philosophie politique dont l’affrontement Magneto / Professeur X est la très pédagogique représentation. Plus petit : sur cette trame un peu trop évidente et possiblement lourdingue se greffe un programme purement ludique et aérien, un développement feuilletonesque tout ce qu’il y a de plus léger. La façon, par exemple, dont le film s’amuse à fondre ses enjeux dans le tableau de l’Amérique de la Guerre froide (les missiles à Cuba, c’était un coup des mutants, apprend-on) est assez symptomatique de ce programme, qui donne au film un air de Watchmen de poche à destination des petits.
Surtout, la franchise retrouve ici une notable inspiration dans un registre, le portrait de l’adolescence, que X-men 2 explorait déjà à satiété. Les adolescents sont des mutants, la chose est entendue depuis Spider-man, et X-men, le commencement retrouve avec un certain bonheur les vertus de superpouvoirs mis en scène comme conversion en acte du bagage psy ado – une fille qui n’aime pas le reflet tendu par son miroir peut à loisir maquiller son apparence, un garçon trop inhibé se transforme en bête sauvage, etc. Le film passe de l’une à l’autre de ces petites idées sans jamais s’y arrêter vraiment, préférant dessiner un catalogue léger de tous ses possibles, énumérés avec une décontraction assez charmante. Rien de génial là-dedans, mais incontestablement une plaisante mise en bouche pour aborder un été qui, côté blockbusters, s’annonce bien rempli.