Sidérante entrée en matière pour ce courtroom thriller qui déploie sur grand écran, avec une exhaustivité impressionnante, toutes ces particularités de la justice américaine révélées par les petits écrans via l’actualité récente. On redécouvre à quel point les arcanes des tribunaux de là-bas ne sont pas inconnus des cinéphiles d’ici. C’est comme si le film faisait l’inventaire (impression assez désopilante) des événements new-yorkais de ces derniers jours. Détaillons. Un riche type au nom français, Louis Roulet (Ryan Philllippe), se fait arrêter pour avoir battu et tenté de violer une jeune femme dans des circonstances imprécises et connues d’eux seuls. L’audience préliminaire laisse entrevoir sa libération en échange d’une caution d’un million de dollars. Le juge tergiverse, estimant que le prévenu présente un risque de fuite (flight risk). Les deux versions s’affrontent et un détective est chargé de décrédibiliser l’accusation. Par un hasard de calendrier bienvenu, la fiction semble vouloir reprendre ses droits, comme pour marquer son territoire.
Matthew McConaughey, plus grave que jamais, dégraissant son accent texan, joue un avocat magouilleur, durci sur le bitume, presque affranchi. Il parcourt Los Angeles depuis le siège arrière de sa Lincoln noire qui lui sert de bureau de fortune. L’avocat expert en chausse-trappes légales, habitué aux petits truands, va se retrouver lui-même embarqué dans une machination. Lorsque l’affaire qu’il doit défendre se révèle plus compliquée et qu’il se retrouve piégé, le film s’écarte du ton enjoué, inconséquent de ses débuts, pour travailler le film noir. Le passage est pour le moins artificiel, l’avocat sombre immédiatement dans l’alcoolisme et le tout se teinte d’une pesanteur dramatique un peu volontariste.
Cette adaptation d’un roman de Michael Connelly rappelle les raisons de notre attraction pour l’autel républicain que représente le tribunal. La Défense Lincoln montre assez bien à quel point ce lieu synthétise tous les arrangements, négociations, concessions que la morale individuelle doit faire avec la morale collective, avec l’émergence d’une vérité légale. L’expression sociale de la vérité se révèle être le compromis. Bien sûr, l’essentiel est ici d’en tirer un bénéfice fictionnel et de se ménager la possibilité de quelque twist. De ce point du vue et malgré le caractère rebattu de ce type de scénario, Brad Furman trouve parfois la bonne vitesse, parvient, on ne sait trop comment, à capter l’attention. Le plaisir de revoir la fiction investir le terrain de ce qui préoccupe l’actualité immédiate n’y est sans doute pas étranger.