Les Gears of war, Resistance, Halo ne dépasseront jamais le stade d’avortons financièrement glorieux de la génération de machines en cours quand leurs débauches de moyens leur permettent d’être des enfants de leur siècle. Ils stagnent en tube comme des bébés-éprouvettes, génétiquement modifiés, issus de souches croisées, biberonnés sur les rails usés de choix de game design tautologiques, consanguins. Leur chemin de croix revient à courir après une identité, sinon une âme en propre en empruntant mécaniquement les routes qui les en éloignent. The kids are NOT alright.
Resistance 3 s’ouvre sur des paysages d’un automne splendide, crépusculaire, se meure dans les saisissants effets de particules d’un hiver duveteux et finit par s’enterrer dans le sarcophage bleu acier d’un vaisseau extra-terrestre. Entre les étapes de cet énième récit (quatrième volet pour la licence si l’on compte le spin off PSP) de l’humanité réduite à un héros contre une invasion alien (appelé des chimères, avec l’utilité que l’on sait de les poursuivre), le pauvre joueur sera passé par toutes les étapes du « jeu de tir à la première personne moderne » en contexte de science fiction (arsenal fourni et club vacances inclus). Mais également par l’essuyage de plâtre d’une industrie qui ne s’excuse même plus de ces modes de productions foireux.
Passage obligé donc, un chapitre « ride » certes grisant, sensiblement réussi entre des immeubles dévastés où le héros Joe Capelli se voit privé de ses armes et trace entre des scripts pétaradants (explosions, effondrements, tirs nourris, ennemis omniprésents) se déclenchant sur son passage sans jamais vraiment mettre en péril sa vie. A croire que les producteurs de FPS ont trouvé l’alpha du prêt-à-jouer dans la construction narrative du petit train de la mine à Disneyland. Étape encore, le « village zombie » qui depuis « Nous n’irons plus à Ravenholm » célèbre chapitre de Half life 2 instigateur de cette tendance pénible et stupide, crache son litre de tripailles et de stress forcé dans tous les FPS modernes sur la tombe du genre survival horror (Et puis c’est quoi cette race d’envahisseurs incompétents même pas foutus de faire le ménage dans leurs morts ?!). étape… dans tes mains, la traversée nocturne balayée par les faisceaux des snipers. Etape… m’en cinq, l’attaque du train, la ballade en bateau, le boss araignée géante, la séquence Quick Time Event (3,2,1… NNNNNN, Bravo, a winner is you !), la séquence de fin où l’on ne contrôle plus rien mais on gagne quand même.
Oh bien sûr, Resistance 3 ose parfois et s’offre une petite sortie de route comme ce combat en arène contre une communauté de gardiens de prisons sanguinaires rappelant au bon souvenir du New York 1997 de John Carpenter. Maigre et courte consolation.
Dans la perspective où cet inventaire aussi sexy qu’une feuille de route Google maps ne soit que le reflet d’une lassitude purement subjective face à un genre triomphant et ces formes stériles mais plébiscités (admettons), on devra quand même faire le constat d’un j’menfoutisme sur les finitions dont on demandera dès lors si elles font elles aussi partie intégrante de cette modernité. Au joueur soucieux de jouer Online ou en Coop, la joie de devoir télécharger des patchs de plus de 600 Mo, de payer un Online pass s’il achète le jeu en occasion, de supporter en solo une intelligence très artificielle, des bugs d’affichage divers et un changement de la difficulté à la volée symptomatique d’un jeu qui tout entier ne se fait même plus d’illusions sur son intérêt à être rejoué.
A ses débuts, Resistance avait pour originalité son esthétique Happy days passée du côté de la catastrophe. En trois épisodes, il n’en a rien fait. Son échec conceptuel en tant que produit culturel taillé pour occuper les premières places des charts entre en curieuse résonance avec l’idée que l’on peut se faire des Etats-Unis aujourd’hui. Un rêve américain grande gueule et estropié, qui n’en finit pas d’en finir. Avalé dans une logique commerciale qui lui vole la possibilité d’une âme in utero, le FPS a perdu. L’Amérique a perdu. C’est un peu le jeu vidéo qui en crève tir après tir dans une fusillade où on ne distingue plus les échanges de coups de feu et les coups de marteau sur les clous du cercueil. Mais de tous ces enfants de la balle perdue de la génération HD, Resistance 3 a pour lui d’incarner le bon élève (agréable à regarder) discret, drapé de la politesse du désespoir qui fait de son mieux pour liquider son héritage génétique insipide, sans descendance souhaitable, sans promettre ni jours et ni jeux meilleurs. Pas plus qu’un Halo ou qu’un Gears, mais tout de même, Resistance is futile.