Le pitch de Conviction ressemble à une caricature des based on a true story qu’Hollywood produit à la pelle : Betty Anne (Hilary Swank), jeune prolo des tréfonds de l’Amérique, promet à son frère, gentil sauvageon injustement emprisonné pour un meurtre qu’il n’a pas commis, d’établir son innocence. S’ensuit une lutte acharnée de vingt ans relativement christique : Betty Anne passe ses diplômes d’avocat ente deux boulots alimentaires et trois crises conjugales, essuie les quolibets de bourgeois ou de bureaucrates méprisants. En contrepartie de son chemin de croix, quelques récompenses à l’acharnement fleurissent ici ou là : réapparition d’éléments clés qu’on croyait dissous à jamais dans la paperasse, admiration des enfants et des copines, sans compter la fidélité de toutou que réserve le frangin à sa soeurette chaque semaine au parloir.
On pourrait ergoter sans fin sur les faiblesses insignes de Conviction, d’autant plus que dans sa balourdise désinhibée, le film s’emplafonne volontiers dans la parodie involontaire. Mais il a, aussi, les qualités de ses défauts : une humilité qui étouffe sporadiquement les bouffées de pompiérisme (par exemple son refus constant d’héroïser les victimes : le finale rédempteur consiste dans la sortie du tribunal par la grande porte, mais devant un parvis tristement clairsemé de journalistes), et qui du coup maintient l’ensemble au niveau du peuple. Conviction, en cela, a la cohérence d’être un film sur le prolétariat, lui-même prolétarisé. Son casting de tricards ou de second couteaux, à commencer par le cinéaste lui-même (croisé à plusieurs reprises en bad guy beau gosse dans les années 90 – Ghost, Le Collectionneur), en est la preuve la plus flagrante, tout comme l’académisme de ses procédés – son histoire parle du peuple pour le peuple, sans jamais avoir les moyens de lui en mettre plein de la vue.
Il faut dire que Goldwyn profite à plein d’Hillary Swank, dont la carrière brinquebalante renvoie aux figures les plus mythiques de l’exaltation de la pauvreté américaine, quelque part entre Cormack McCarthy et Steinbeck. Cantonnée au ventre mou d’Hollywood malgré ses deux oscars (le chic sundancien Boys don’t cry et l’hollywoodien Million dollar baby, cinq ans plus tard), Swank incarne plus que jamais l’ascenseur social en panne, pas au sens dark side du rêve américain, (elle ne glisse jamais sur la pente de la marginalité ou de la clandestinité), mais au sens d’une stagnation pure, enfilant des rôles usés dont les puissants ne veulent plus. Conviction peut se voir se voir aisément comme le remake fantôme d’Erin Brockovich : même histoire de justicière en lutte contre un système aliénant, même finalité glorieuse (elle gagne), même ambition de croquer le quotidien du petit peuple de l’Amérique via des stars déguisées. Mais le jeu de Swank est loin de celui de Julia Roberts : ni maniérisme ni de truculence glamour, mais un mélange de douceur et de discrétion, un éloge de la simplicité et de la subtilité qui, hélas, ne lui profite en rien.