Il aura existé, en tout et pour tout, trois versions de Kontakthof : aux dires des spécialistes, la première, en 1978, compte parmi les spectacles importants de Pina Bausch. La célèbre chorégraphe, récemment décédée, sera revenue à deux reprises sur cette création, substituant aux danseurs professionnels de la version originale des sexagénaires amateurs (2000), puis un groupe d’adolescents, amateurs également, pour son ultime spectacle (2008) dont le film constitue une sorte de making of plutôt inspiré. Passons rapidement sur ce qui se problème: le caractère inutilement explicatif et redondant de certains discours, des entretiens un peu gauches et superficiels avec les élèves et les enseignants, qui s’intercalent entre deux répétitions et ne captivent pas vraiment. Les scènes de danse et dans les coulisses sont en revanche magnifiques, et la vraie beauté du documentaire tient dans sa façon de maintenir tout du long deux films en parallèle, l’un sur la danse, l’autre sur l’adolescence, qui se fondent avec beaucoup de grâce.
Le résultat est étonnant : ces jeunes gens qui n’ont pas forcément le physique, ni la ligne, de danseurs étoiles, encore moins leur sens de la discipline, apportent avec eux une ingénuité touchante, qui permet au film de rendre compte de ce moment mystérieux où quelque chose se crée, où un intérêt, un goût pour le spectacle (qui n’allaient a priori pas de soi) se font jour et débouchent sur des formes d’expression extrêmement naturelles et spontanées. On est loin des pinailleries des ballerines du beau film de Wiseman (La Danse, le Ballet de l’Opéra de Paris), mais pour autant le film ne se complait jamais dans la posture de l’immédiateté, du refus du travail (option tout autant caricaturale) : l’amateurisme s’accompagne d’un sens très sûr de l’art et de la modernité. La mise en parallèle de certains passages du spectacle avec leurs équivalents de la version ‘senior’, notamment, produit un effet extrêmement intéressant. Quant aux scènes de coulisses, elles décrivent très joliment les hésitations, le mélange de vantardise et de timidité des apprentis-danseurs. Il est peu étonnant dès lors que les chorégraphies un peu osées retiennent le plus l’attention de Pina Bausch, ainsi que des cinéastes, dans la mesure où elles révèlent à merveille la sexualité encore hésitante de ces corps débutants. L’humilité de l’enregistrement (toujours à saluer, mais que partagent quand même un certain nombre de documentaires) se double alors d’un véritable sens de la captation : c’est nettement plus rare et cela vaut la peine d’être signalé.