Insoupçonnable : déjà, difficile de se motiver avec un titre aussi générique. Odieuse machination dans les règles de l’art, l’intrigue rassure à peine, pas plus en tout cas que le seul fait d’arme de Gabriel Le Bomin (Les Fragments d’Antonin, film-cerveau minuscule sur un soldat de la Grade Guerre). L’intrigue, donc : couple de jouvenceaux maléfiques, Sam et Lise pigeonnent un richard énamouré (Berling) au bord du lac Léman. L’arnaque en cache une autre, encore plus insoupçonnable, ainsi que mille coups fourrés. Gabriel Le Bomin semble bien déterminé à faire Obsession de De Palma en v.f. plus largement à s’atteler à un grand thriller classieux. Seulement voilà, dès les premières images, l’ambition se cogne à la réalité : la mise en scène ne possède pas un gramme d’ampleur, pas un micron de perversité pour emballer l’affaire de façon à peu près correcte.
C’est assez gênant, Le Bomin n’ayant ni l’enthousiasme suffisant pour en jeter un max, sur un mode immature (Kounen) ou grandiloquent (Gans), ni la lucidité de faire diversion, faute de se montrer à la hauteur. Le film n’a rien d’autre à offrir que sa médiocrité, s’employant naïvement à la jouer grand cinéma jusqu’aux confins de l’ennui. Les morceaux de bravoure s’enchaînent en autant de séquences d’une platitude invraisemblable : érotisme dans un bar à hôtesses tapissé de rouge, machiavélisme de grand bourgeois détraqué (Grégory Dérangère, tout en petits sourires, barbichette et polo Lacoste), suspense dans les eaux troubles du lac Léman – Sans soleil en ligne de mire, probablement. Au-delà des intentions narratives (louables), et de ce terrible sérieux de premier de la classe (ça rigole pas), c’est le vide de l’ensemble qui sidère, ce coté terre-à-terre, desséché, qui revient à filmer le scénario comme on lit avec son doigt, cette impuissance absolue à décoller les images du texte.
Voilà qui renforce sans mal l’impression d’ersatz : non seulement le film pâtit d’une piteuse et inévitable comparaison avec ses modèles américains, mais il se ridiculise autant dans le cadre franco-français. Rapport au polar, mais aussi aux enjeux qui alimentent habituellement les fictions du terroir : la lutte des classes se réduit à trois répliques rageuses et deux regards méprisants, la passion amoureuse se limite à une pantomime plus pauvre encore. Il faut dire que les acteurs ne transcendent pas grand-chose, Laura Smet signant certainement la prestation la plus molle de sa carrière. Et dans la catégorie jeune bellâtre, Marc-André Grondin, déjà remarquable en magouilleur cinglé dans Le Caméléon, ferait passer Gaspard Ulliel pour Al Pacino.