Difficile, après la purge Sheitan, d’imaginer que Kim Chapiron puisse réaliser un film juste regardable. Retrouver le jeune chien fou à la tête d’une petite série B américaine est donc une première surprise. Mais la bonne nouvelle ne s’arrête pas là puisque Dog pound, en plus d’être assez bien fagoté, semble avoir laissé l’arrogance djeunz et la stupidité du premier long de l’auteur de côté. Le sujet évoque une sorte de variation indie et fauchée du Prophète : l’incarcération d’un jeune dealer de 16 ans qui va devoir intégrer les règles de bonne conduite de la prison (en gros : taper ou se faire taper). C’est assez rudimentaire, et le film tire une vraie force de cette simplicité : suivant un temps le rythme de la chronique, le récit brille par sa fluidité et sa précision, dressant une petite topographie carcérale-type, entre silence des chambrées endormies, cantine infâme, salles de douche et vestiaires humides propices à tous les coups bas. Chapiron a beau clamer ses bonnes intentions documentaires (des mois de recherche dans les prisons US pour adolescents), il ne trompe personne : c’est en respectant scrupuleusement les codes du film de prison testostéroné façon Walter Hill junior qu’il instaure une atmosphère relativement prenante.
Lorsqu’il assume ce côté film de genre, Dog pound brille par sa tension presque irrespirable et ses explosions soudaines de violence (le jeune héros qui se venge des kékés les plus dépravés de la prison à la manière d’un justicier sauvage). Mais dès qu’un enjeu vraiment sérieux pointe à l’horizon – comme lors du meurtre d’un des jeunes détenus mettant en péril tout le fragile équilibre hiérarchique des lieux -, ça se gâte un peu, Dog pound révélant une certaine incapacité à la complexité morale ou dramatique. La mise en scène, d’une sobriété extrême, est au diapason de cette modestie un peu forcée, comme si le cinéaste avait été muselé par la production. Rivée au quotidien de ses jeunes acteurs taiseux (tous excellents), elle suggère en permanence la promesse d’un embrasement, jouant d’un bel équilibre entre fougue réprimée et sécheresse romanesque. Pour toutes ces raisons, Dog pound atteint le niveau honorable d’un petit drame psychologique tirant habilement vers le thriller paranoïaque (le cercle vicieux de la violence qui se nourrit de la violence). On imagine aisément que le film visait plus haut (film à thèse concerné et responsable sur l’inadaptation des prisons juvéniles), mais c’est bien dans le strict registre de la performance et de l’efficacité qu’il emporte l’adhésion.