On ne se souvient pas bien de Louise-Michel (rien de maruant), mais on y mettrait notre main au feu : Mammuth s’impose comme le meilleur film du tandem Delépine-Kervern. Néanmoins, pas d’amalgame, le meilleur n’est pas toujours bon, comme c’est le cas ici. Pire, au regard de l’oeuvre ciné (ciné seulement) des deux compères de Groland, la performance est assez logique ; déprimante même, tant on les imagine difficilement faire mieux à l’avenir. Hors la présence de la superstar Depardieu, Mammuth trimballe exactement la même portion congrue de cinéma que les films précédents, dosés ad hoc, certitudes psychorigides comprises : ode fastoche à l’errance et aux marginaux, des lambeaux d’idées visuelles répétées jusqu’à l’overdose, des hectolitres de poésie foutraque en guise de nappage trash.
Sauf que la présence du gros Gégé intrigue, c’est vrai. L’illusion d’une valeur ajoutée prend une bonne dizaine de minutes, moins pour son côté motard céleste, figure du marginal usée jusqu’à la corde (avec en prime, les cheveux de Mickey Rourke dans The Wrestler), que pour son emploi d’équarisseur de porc, en ouverture. Unir dans la même image, les carcasses de cochon et le plus viandard de nos monstres sacrés, voilà qui laisse supposer ce que le film, au fond, aurait dû être : une sorte de Tati primitif, gaulois et trivial où la grammaire grolandaise se déploierait avec rigueur. En trois séquences maîtrisées (un pot d’adieu, des courses au supermarché, un comptage de voiture depuis le salon), Mammuth semble se trouver, sûr de ses effets primaires, coupant et vraiment drôle.
Seulement voilà, une fois le road movie bien lancé, les bonnes scènes s’espacent, puis le projet comique se disloque dans un brouet visuel d’une pauvreté sidérale, oscillant entre peur du vide et grand n’importe quoi. A l’humour vissé serré succèdent un gras comique nanardeux (Yolande Moreau première victime d’un montage alterné digne d’un Max Pecas), mais surtout une poésie new age passablement débile, et surtout totalement bâclée. Que le film reconnaisse son impuissance crasse d’un air entendu, pourquoi pas, mais là non, il se gonfle de fierté jusqu’au bout, incapable de relâchement, cramponné à sa façade d’objet auteurisant et indépendant, certain de toucher au sublime, au grand Art, à la moindre image floue et mal cadrée.
Pas de doute, le cinéma semble ici une affaire trop sérieuse et trop noble pour être tournée en dérision. D’ailleurs, à l’instar de Depardieu, historiquement plus anar que ses cinéastes, les stars grouillent dans le film comme un troupeau de vaches sacrées. On ne les compte plus : Poelvoorde, Siné, Anna Mouglalis, clairement là pour marteler la pellicule de leur présence. Sommet, Adjani en figure de l’amour éternel de Depardieu, dans un exercice de pure célébration compassée, pas loin, dans l’esprit d’un hommage aux Césars. De quoi s’assurer de l’intention première de Mammuth, cure d’encanaillement pour people, pass VIP pour comiques télé ivres de reconnaissance.