Un braqueur s’évade de prison afin de neutraliser son ancien co-détenu qui, une fois dehors, se révèle un dangereux pervers. Une escouade de super flics le traque à son tour pour une grande vadrouille géante… On a dit ici beaucoup de mal de Maléfique, premier film d’Eric Valette, un peu moins de son suivant, Une Affaire d’Etat, sympathique tentative de film d’action à la française. On en dira autant, voire mieux de La Proie, honnête thriller bleu blanc rouge, un presque exploit si l’on considère le contexte apocalyptique de notre cinéma de genre. Cette zone sinistrée, sans succès-phare ni repères, en proie au kitch et à la dépression, est en fait la meilleure chance du film. Valette y voit une zone vierge, l’occasion d’un grand lessivage, d’une recomposition sereine qui intégrerait la vieille France d’hier, les éternelles ficelles du patrimoine étranger et les derniers mythes horrifiques du terroir (Fourniret et François Besse, le braqueur ami de Mesrine inspirent les personnages du film). L’objet qui se voudrait plein, dégraissé, est donc forcément hybride, se revendique d’exploitation alors qu’il sort de nulle part, un peu comme le récent A bout portant s’autoproclamait petit-neveu de French connection, trente-cinq après.
La comparaison est dure pour La Proie, moins ventripotent et mille fois plus sympathique que le film de Fred Cavayé. Bonne santé qui s’explique d’abord par Albert Dupontel, dont la seule présence athlétique et burinée, impose à l’ensemble une crédibilité et une puissance archi-précieuses. Dupontel, c’est ce trait d’union miraculeux entre Hollywood et la France de Bébel, une sorte de Stallone de la Creuse grâce auquel le thriller file droit. Ce n’est pas toujours suffisant hélas, mais là encore, les carences du film font écho au récit de survie et de débrouille qu’il donne à voir. Il y a dans La Proie assez peu de labeur (un peu tout de même, à voir la kyrielle de personnages jetables comme celui de Sergi Lopez s’autodétruire juste après avoir apporté leur contribution au récit), mais beaucoup de dénuement, à l’image de la grande poursuite du film. Dupontel remonte le périph’, coursé par la fliquette Alice Taglioni, sorte de remake à panards de Police Fédérale Los Angeles, avant de gagner une gare de banlieue et de sauter sur le toit d’un vieux tortillard qui l’envoie direct en pleine cambrousse.
De Friedkin, on passe donc à Verneuil puis on s’enfonce dans la province profonde, la France des clochers et des villages, la France des faits divers vue par Christophe Hondelatte, seule référence moderne (si l’on peut dire), que Valette a plus de mal à réinventer. Malgré l’obsession du suspense, le complexe national refait surface : après ses petits pull noué autour des épaules et ses airs de fayot d’opérette, le bad guy se contente de parodier son modèle d’origine (Fourniret, donc), et le film d’intégrer une image d’Epinal parfaitement inoffensive, mauvaise photocopie du réel (Hondelatte, simply the best). C’est un peu dommage, au regard de ce que le cinéaste parvient à exploiter plus finement du territoire : banlieues pavillonnaires de cambrousse, parking de Buffalo grill plongés dans l’obscurité, un cadre parfait, relativement vierge, pour y installer de l’angoisse bien de chez nous.