Bien qu’on n’ait jamais été très fan de l’opportuniste Paul Greengrass, Green zone est d’assez loin son meilleur film. Revenant au début de l’invasion américaine en Irak, le film mêle thriller d’espionnage surexcité, docu-fiction un peu balourd (le faux scoop des ADM qui n’ont jamais existé) et action pure et dure. C’est dans ce dernier registre que le film est le plus sympathique, trouvant dans l’absence d’élégance et le manque total de maîtrise spatiale du cinéaste (where are you McT ?) une sorte de sentiment de frénésie paniquante : un peu plus évoluée que les barbouillages d’espace en caméra tremblée auquel Greengrass nous avait habitués, la mise en scène se met au diapason du décor confiné des ruelles de Bagdad, multipliant les allers-retours entre haut et bas (les vues aériennes, splendides) dans une sorte d’ivresse Google Map pas déplaisante. Chaque pas dans la cité-poudrière devient ainsi un défi à la mesure de ce que Démineurs, de manière bien plus éclatante, a déjà proposé dans le genre terreur comprimée.
Le scénario, lui, est à l’avenant : un soldat-modèle, presque irritant de droiture m’as-tu-vu (Matt Damon) se débat au milieu d’une galerie de représentants des forces en jeu dans le conflit (le politicard pourri, le baassiste, le civil bagdadien, l’agent du FBI ou de la CIA, la journaliste irresponsable, etc.). Réduisant tous ses enjeux à cette poignée de trognes taillées à la serpe, Green zone puise dans ce prosaïsme figuratif d’actioner de seconde zone une efficacité maximale, notamment le temps de parenthèses enchantées (l’enfer des coulisses en montage alterné avec les images d’archives d’un discours de Bush aux Marines). Résultat : une sorte de « Wiki-film » simpliste mais fonçant avec une belle énergie dans la mare aux alouettes d’idéaux guerriers rendus caducs par l’actualité. On peut être irrité par cette mise en scène d’une bonne conscience un peu pétaradante, d’autant que le film arrive largement après la bataille, mais ne faisons pas la fine bouche : il suffit de repenser à une catastrophe française du genre L’Ennemi intime – sur l’Algérie – pour mesurer ce que le cinéma US garde d’avance en matière de lecture quasi-documentaire de son histoire récente.