D’abord, on n’y croit pas trop. Alizée fait certes un bel objet pop, mais il n’y a jamais eu grand chose à raconter à son compte, sinon une suite de tubes au hit parade et son émancipation manquée des parrains Boutonnat / Farmer – quand déjà on n’aimait pas tant la production du premier, ni les inflexions de voix héritées de la seconde. Il était même un peu désolant d’observer son seul avenir possible après un exil à Mexico : une renaissance par Institubes, sans doute les derniers fascinés par l’icône (cf. les remixes de David Rubato pour son précédent single Fifty /Sixty), aussi co-responsables du gros naufrage pop Teki Latex.
Ceci dit, on est curieux. D’abord bien sûr, parce qu’Alizée est jolie, et qu’il faut être myope pour ne pas détourner le regard à son passage. Ensuite, parce que malgré l’énorme échec du précédent Teki Latex, on savait encore latentes chez Institubes ces grandes envies pop, auxquelles on avait parfois envie de croire (l’album Futur 80 de Leslie, annulé par EMI, jamais écouté donc, mais pourquoi pas dans l’idée). Aussi parce qu’à la production, on change d’équipe et on retrouve derrière les consoles Robin Coubert (« ROB »), dont l’art des hybrides rétrofuturistes se trouve parfois l’égal d’un Vladimir Cosma (réécouter Midinette ou Voyage en barque sur son Dodécalogue). Enfin parce qu’un amoureux des cathédrales analogiques aux commandes des baisers d’Alizée, ça s’inscrit tout droit dans cette tradition du regard inquisiteur tenté lui-même par le fruit défendu, auteur mille fois de grands succès populaires. Bref, il devient tout à coup possible d’aimer.
Et puis il y a ce premier morceau Eden, eden qui ouvre le disque, adieu en grand à tous les amoureux de ses 14 ans, où l’on entend dans sa bouche les métaphores crépusculaires de Jean-René Etienne bâtir sur d’émouvantes ascensions mélodiques. L’autre miracle, aussi, c’est la fin d’album, marche très solennelle d’Alizée derrière ses fantômes, où elle contemple erreurs, secrets et larmes sur des descentes d’arpèges à la Moroder. Lueurs d’espoir qui malheureusement ne dissipent pas le grand vide de l’entre-deux, où l’enfant du siècle se voit contemplée avec beaucoup, beaucoup de sérieux, au point même où les rythmes ne se montrent plus de la fête. A son plus léger, elle manque d’évoquer Valerie Dore ou Sally Shapiro sans jamais trouver leurs voies célestes (Limelight, Les Collines), quand le reste de l’album la plonge profond en eau de boudin (la lourdeur des 14 décembre ou La Candida), que même la production ne peut sauver du naufrage (tout coule vraiment en même temps).
Le vrai malheur dans l’affaire, c’est que ceux-là même qui rêvaient d’Une enfant du siècle emprisonnent de fait Alizée hors de son temps, loin des radios, et très certainement loin de son public (à qui pourra-t-il bien ressembler maintenant, grande question…), ne laissant plus grand espoir au portrait générationnel. Déception.