Voilà un film d’époque comme le cinéma américain n’en fera certainement plus en 2011. Et pour cause, Jim Sheridan surfe tellement sur l’actualité qu’en lieu et place d’un regard sur le vif, Brothers se voit comme un condensé de JT des six derniers mois. La toile de fond, donc : dans l’Amérique profonde d’aujourd’hui, un jeune marine part en mission en Afghanistan (pas l’Irak, top ringard depuis Barak Obama) pendant que son frère sort de prison. Retenu en otage par les talibans, le boy scout vire psychopathe, tandis que le vilain petit canard se rachète une conduite auprès de l’épouse modèle du bidasse en lui construisant une super cuisine. Résultat : des regards embués, une fumette langoureuse et un smack adultérin irriguent un début de ménage à trois, puisque le mari revient finalement chez lui, des traumas plein la caboche et la jalousie obsessionnelle en ligne de mire.
On ne reprocherait pas à Sheridan cette surdose d’air du temps s’il s’en servait autrement qu’à relifter en surface un canevas intimiste vieux comme le monde. L’illusion ne tient même pas un plan et demi, plombée par une installation dramatique qui semble crachée par un robot-scénariste et branchée sur une psychanalyse de bazar. Chaque scène lâche son effet symbolique, énorme clin d’oeil faussement pudique, recueillie par une caméra qui n’attendait que ça et rien que ça : le dîner en famille qui tourne mal, les filles qui pleurent leur père partant au combat, la rivalité fayot-glandeur des frangins. Pas de mystère hors champ, rien qui heurte l’image non plus, Sheridan fait son miel d’une intimité pavlovienne conforme aux standards usés du cinéma indépendant à la sauce Sundance. Il suffit du cabotinage du trio de stars pour s’en convaincre : des premiers regards en coin pour Portman à la mâchoire crispée chez Maguire, en passant par le sourire de gros nounours défoncé de Gyllenhaal, on n’attend pas davantage de Brothers qu’un pilotage automatique en bonne et due forme.
Le film n’a au fond, qu’un point de vue de chroniqueur de talk show, le drame intimiste s’emboîtant dans une vision politique aussi compassée que généraliste. La séquence talibane et son lot de chantage pervers sur fond de caméra tremblante et de gros plans ne donne rien d’autre à voir qu’une opinion sur l’atrocité psychologique de la guerre. Une thèse acquise d’avance, répétée inlassablement, avec une même indignation calibrée. Pour preuve, le personnage du père des deux frangins, ancien du Vietnam aigri et buriné (Sam Shepard, de loin le plus mauvais vieux beau du cinéma américain), qui par sa présence cabossée, martèle un constat scoopesque : l’Histoire se répète. Le drame de guerre aussi.