Il faudrait absolument que le CNRS organise un colloque autour de ce mystère digne du succès de Christophe Maé : pourquoi les écrivains populaires français ont-ils généralement un potentiel de roi du nanar ? De Michel Houellebecq à BHL en passant par Eric-Emmanuel Schmitt, Alexandre Jardin, Yann Moix, Philippe Claudel ou Bernard Werber (liste non exhaustive), nombre de plumes nationales adulées des relais H se sentent investies d’une mission, celle de mettre au monde un objet filmique mutant et terminal, qui fascinera des générations de cinéphiles pervers. Dernier exemple en date : Marc Dugain. Auteur entre autres de La Chambre des officiers, cet amoureux d’une littérature « poids des mots, choc des photos » fait aujourd’hui ses premiers pas avec la casquette de metteur en scène en adaptant une partie de son propre roman, Une Exécution ordinaire. Il ne sera d’ailleurs pas question de la tragédie du sous-marin Koursk – au coeur du livre -, mais des relations entre une jeune urologue et magnétiseur (Marina Hands, seule rescapée du naufrage) et un Staline attendant la mort (André Dussolier).
Un tel pitch aurait pu tout à fait inspirer, mettons, Alexandre Sokourov, mais, malgré un fond tragique, c’est l’ombre tutélaire d’un autre cinéaste qui plane au-dessus d’Une Exécution ordinaire : Jean-Marie Poiré. On pense en effet moins à Taurus ou Moloch qu’à Twist again à Moscou et ses guignols en chapka. Il n’y a qu’à voir les très folkloriques personnages secondaires – très bêtes et très méchants, pour la plupart -, à l’image d’un Denis Podalydès grimé comme Preskovic dans Le Père Noël est une ordure. Chez Dugain, tout ce petit monde tire une tronche de deux pieds de long et parle un français impeccable – à l’exception d’un Géorgien à l’accent à couper au couteau de bolchevik. Histoire de bien faire ressentir le malheur ambiant, Yves Angelo à la photo nous a sorti son bon vieux camaïeu gris-marronnasse, dont la laideur n’arrange guère un décorum de musée Grévin. Le pompon revient à André Dussollier – qui, étrangement, ressemble moins au Petit père des peuples qu’à un vieux du Muppet show -, dont la « performance » moustachue lui vaudra certainement un César avec standing ovation. Il faut toutefois le voir asséner avec un ton plombant des dialogues forts en cholestérol sur la vie, le pouvoir, tout ça… Les afiocionados du cinéma à message apprécieront peut-être la démonstration poids lourd à la Costa-Gavras, mais fallait-il pour autant que, dès le générique, Marc Dugain nous inflige les choeurs de l’Armée rouge ? Est-il vraiment courageux de dénoncer le stalinisme en 2010 – qui plus est, en France ? De toute manière, l’échec du film tient déjà dans son statut initial, sous le signe du paradoxe : Une Exécution ordinaire se voudrait récit d’affranchissement et de rébellion, alors que cet équivalent cinématographique des spectacles XXL de Robert Hossein n’est rien d’autre que l’expression, caricaturale et mal fichue, du pire septième art officiel.