François Truffaut avait avoué n’avoir tourné Tirez sur le pianiste que pour une image, celle d’une voiture pleine de gangsters qui, au loin, dévalait une route de montagne sur fond de neige. Et c’est peut-être ce même désir d’un seul plan qui a poussé Christophe Blanc à tourner Blanc comme neige, l’image d’ailleurs assez similaire d’un homme courant seul dans la poudreuse pour échapper à des tueurs dans une chasse à l’ennemi proche de la scène d’ouverture de The Thing de Carpenter. Idéalement, le film de Christophe Blanc s’en tiendrait là, à cette longue séquence de fin, silencieuse, métaphysique, durant laquelle François Cluzet en costard tire dans le vide sur un ennemi embrouillardé et finit par tomber contre un arbre, perdu au fin fond de la Finlande et du monde. Idéalement, oui.
Mais pour en arriver à cet étrange épilogue en forme de Gerry aux sports d’hiver, il aura fallu en passer par un scénario complètement loufoque où à l’inverse, les rebondissements tombent par sacs de douze. Maxime (François Cluzet), petit self made man marié à une jeune femme aimante et trop bien pour lui (Louise Bourgoin, qui s’en sort mieux que les autres) doit faire face à l’assassinat de son associé (Bouli Lanners) dont il se retrouve chargé par des mafieux du grand froid de rembourser les dettes. En faisant appel à ses frères (Olivier Gourmet et Jonathan Zaccai), il s’assure le fiasco et une descente aux enfers guidée par l’absurde et la malchance. Polar, thriller, « film noir sur fond blanc » (dixit le dossier de presse) : Blanc comme neige se veut film de genre à la Scorsese (la petite réussite, Louise Bourgoin en Sharon Stone de Casino).
Mais le grand défaut du film première étoile de Christophe Blanc vient de ce refus total de laisser place à l’ennui, à la pause, au répit. Car dès que le cycle de la malchance s’enclenche, le film (qui commençait bien) trouve un rythme où la péripétie harcèle plus qu’elle n’halète. En l’espace de deux minutes, Maxime peut par exemple poursuivre un gangster, percuter la voiture de sa femme, se faire tabasser dans les bois et voler sa Mercedes avant de la retrouver aussitôt et de participer à une fusillade dans le jardin de son grand frère. Cette multiplication des actions fait déborder un film où l’absence de rythme et de l’enchaînement des coups de théâtre se colore d’un amateurisme troublant. Même chose pour la direction d’acteurs, qui nous métamorphose un François Cluzet (pourtant très bon dans A l’origine) en épileptique notoire quand il exprime la peur. Il faudra d’ailleurs qu’on s’intéresse un jour à cette habitude qu’a Cluzet d’être choisi pour des films (L’Adversaire, La Vérité ou presque, A l’origine, Blanc comme neige) à personnages dissimulateurs. La peau cornée, le visage soumis à l’autre, le malaise, l’incapacité au dialogue : peu d’acteurs parviennent à ce point à jouer les petits ratés accrochés à des mensonges qui leur échappent (aux Etats-Unis, on pense plutôt à Steve Carell). Dommage qu’ici, le film ne commence véritablement qu’à la fin.