Soyons clair : par endroits (nombreux), Simon Werner frôle dangereusement le navet, et il est indéniable que de la comparaison aux modèles qu’il revendique (de Twin Peaks à Elephant, pour les références les plus voyantes), le film ne sort pas exactement gagnant. Mais comparé aux performances hexagonales en la matière qu’il s’est choisi (pour le dire vite, le teen-movie ténébreux), quand même, il n’est pas tout à fait sans charme. Dans ce paysage rongé par la chronique naturaliste amorphe et sans ancrage, il a pour lui une certaine audace, et s’il est plaisant au final, ce n’est pas parce qu’il serait parvenu à se hisser à la hauteur de ses folles intentions (à cette aune il est même complètement raté), mais parce qu’il y a au bout de ces intentions, dans leur assemblage maladroit, une vraie incongruité, une forme mutante dont la solitude n’est pas sans intérêt.
Le film s’invente un espace-temps flottant, mêlant histoire culturelle locale (les années 90 françaises) et un imaginaire américain qu’il s’agit de retrouver en reconstituant, au pays de La Boum, un décor qui lui appartient en propre. Ce cadre, c’est la banlieue pavillonnaire, passion américaine (de Sirk à Carpenter, de Lynch à John Hugues – c’est à ces deux-là que Simon Werner pense très fort) ici transposée, ni vu ni connu, du côté de Versailles. La frontalité absolument naïve avec laquelle Gobert importe ce décor et ces modèles (côté Hugues : l’adolescence découpée en tranches idéal-typiques / côté Lynch : les secrets tapis sous la pelouse des jardinets) pour ensuite les plaquer sur le tableau ado d’une France lointaine et proche, pas vraiment sexy (bombers et Doc Martens, Killing Joke dans le walkman), accouche d’un entre-deux assez aberrant, et ce cadre, le film a le mérite de croire jusqu’au bout. Sa ringardise a ce charme-là : difficile de lui tenir rigueur du sérieux papal avec lequel il croit parfois tutoyer ses modèles, tant sa facture télévisuelle (on croirait avoir affaire à un épisode dégénéré d’une série ado de l’époque) creuse cette gentille aberration, et achève d’en faire, en attendant mieux, une inoffensive et attachante anomalie.