Trois perspectives tout au plus, niveau « fiction homosexuelle », à la télé comme au cinéma. La première, versant Le Roi de l’évasion ou I love you Philip Morris, évacue presque illico la question du coming out : les mecs sont gay, c’est un fait et on nous indique vite qu’il y a bien plus urgent et excitant que d’en faire tout un mélo : prendre la tangente, multiplier les emplois, les identités, les lignes de vie. La seconde, versant Humpday, fait quant à elle du sujet « gay » une affaire moins d’orientation (amoureuse, sexuelle, sociale) que de défiance : on n’est pas pédés, okay, mais qu’est-ce que ça ferait de coucher ensemble vite fait, dude ? La troisième, celle qui donna des films aussi beaux que My own private Idaho (Brokeback mountain dans une moindre mesure) et des séries aussi décisives que Queer as folk et The L word, voit en l’homosexualité rien moins qu’un quotidien, une réalité excédant son potentiel folklore ou spectacle (domaine d’inénarrables comédies post-Cage aux folles telles que Pédale douce / Pédale dure de Gabriel Aghion, Folle d’elle, Poltergay et autres). Par pure élimination, ce chétif Plan B se rangerait peu ou prou dans cette catégorie.
Pour récupérer Laura, son ex girlfriend, Bruno, jeune Français installé en Argentine, échafaude un plan assez tordu à partir d’une rumeur selon laquelle Pablo, le nouveau copain de cette dernière, aurait eu jadis une petite expérience avec un garçon : engager « par hasard » une amitié avec le rival, l’ouvrir l’air de rien à l’idée d’une possible histoire d’amour susceptible de l’amener à rompre. Comme souvent, le jeu de l’infiltration porte ses fruits, tout du moins accouche de son lot de situations délicates reposant sur la confrontation quotidienne de Bruno avec les limites de son rôle (embrasser un mec pour le fun devant une amie, dormir presque nu dans le même lit…) en même temps que sur le risque du bégaiement identitaire (convaincre Pablo que le « Français » qui, sur la photo de chevet de Laura, lui ressemble comme deux gouttes d’eau, n’est pas lui). Plan B intéresse ainsi plus ou moins lorsque s’incarne à l’image, à partir des corps et du positionnement des personnages dans le cadre, le risque d’un débordement du jeu par le geste ou le mot qui tuent.
Hélas, le film ne dépassera jamais ce stade du balbutiement timide, de la seule esquisse de l’inconfort. Moins axé sur les manifestations les plus visibles des signes d’homosexualité que sur la prise de conscience par deux potes hétéros de sentiments amoureux naissants par-delà les vannes et les petits défis (« Je dois passer un casting pour un rôle où j’embrasse un garçon. Tu veux bien m’aider ? » demande grosso modo Bruno à Pablo), Plan B ne parvient jamais à faire vraiment corps avec la progression de cette relation. Si l’un ne confessait à l’autre, au bout d’une bonne heure et quart, qu’il pense être tombé amoureux de lui (lettre à l’appui), personne probablement ne se serait posé la question. En tout cas pas plus qu’au début.
Le vrai défi des films des seconde et troisième catégorie se situerait donc là : tenir la distance du réalisme au-delà de leur sympathique note d’intention. Là où ceux de la première se démarquent par la quasi dissolution du sujet initial dans le corps d’un mouvement plus global, plus ample de la fiction. Plan B aurait plutôt tendance à attendre sans rien faire qu’un semblant d’enjeu s’incarne ex nihilo, par la grâce d’un silence interminable, d’un plan séquence cadré serré, dessinant l’amère conclusion qu’en matière de cinéma comme ailleurs, homos et hétéros, même combat : la routine, c’est la routine.