Ce n’est pas The Housemaid (remake d’un film de Kim Ki-young) qui fera naître en nous une passion pour Im Sang-soo, réalisateur à l’esthétique souvent pompière, mais il faut bien dire que tout n’est pas non plus à jeter ici. À partir de l’entrée dans une grande demeure bourgeoise d’une bonne fraîche comme une rose, le film entend dresser un portrait au vitriol de la haute société coréenne dont la monstruosité est sans appel (le clan de nantis persécutera l’employée engrossée par le patron). Mais les méchants riches ennuient : tout droit sortis d’une série américaine des années 80 type Dallas, ils manquent un peu d’inventivité dans le sadisme. Mieux vaut pour cela aller voir du côté du regretté Chabrol : quitte à jouir du mal, autant le faire en fin gourmet. La faute est imputable à un scénario paresseux et au style outré de la mise en scène, trop balourd et figé pour se laisser réellement gagner par la perversion et la dégénérescence.
Le peu d’excitation suscité par le film vient davantage du bas de l’échelle sociale. Il y a une ambiguïté et une tension intéressantes du côté des domestiques – la jeune et une autre plus âgée – touchées jusque dans leur chair, leur corps de femme et de mère, par la soumission sociale. Surprend par exemple la façon déroutante dont la nouvelle venue, d’une naïveté confondante, offre ses services à ses maîtres dans un abandon physique total et passionné, comme si elle mettait littéralement son corps à leur disposition. Il faut voir l’énergie très sexuelle qu’elle déploie pour récurer une baignoire et le plaisir étrange qu’elle semble en tirer. Sa ferveur sera à peu près la même lorsqu’elle reniflera pour la première fois le sexe de son patron, déclarant raffoler de son odeur. La scène saisissante qui, dans la rue, ouvre The Housemaid, propose une première approche plus documentaire et abrupte de cette dévoration sociale : la future bonne assiste au suicide d’une jeune femme dans un quartier truffé de restos et d’échoppes dont les plats fumants paraissent obscènes en un pareil moment. C’est cette alternative-là – manger ou être bouffé par la rue – que la jeune femme quitte pour la retrouver finalement sous une autre forme, soit : baiser (avec un appétit féroce) ou être baisé. Dommage que ce trouble social, organique et presque cannibale, ne travaille pas le film plus en profondeur.