Une décennie après Pretty woman et sous la direction du même réalisateur inspiré (Garry Marshall), Julia Roberts et Richard Gere démontrent qu’ils ont su mûrir sans s’assagir. L’incorrigible séducteur misogyne et controversé, Ike Graham (Richard Gere), cherche un sujet pour sa chronique dans un hebdo new-yorkais. On lui raconte alors l’histoire d’une fille de la campagne, Maggie Carpenter (Julia Roberts), véritable blague locale, qui se défile à chacun de ses mariages juste avant de dire oui. De toute évidence, Garry Marshall aime l’odeur de la poudre et la confrontation des extrêmes.
D’emblée, le réalisateur programme donc l’affrontement de ces deux marginaux avec une question cruciale à la clé : vont-ils se marier ? Dès lors, la principale qualité du film consiste à maintenir l’incertitude jusqu’au bout en jouant habilement avec les codes du suspense. Jamais, durant l’enchaînement de péripéties palpitantes et uniques (Julia teint les cheveux de Richard en rouge et bleu, il découvre une photo d’elle seins nus) qui font toute l’originalité et l’irrévérence de Just married, on ne peut supposer qu’une noce attend les deux terreurs (pardon de vous avoir révélé la surprise).
Mais sous couvert d’un simple suspense brillamment conduit, Garry Marshall glisse comme à son habitude, avec une infinie discrétion, un message fort qui permet de dépasser la simple surprise. « Sois toi-même », suggère malicieusement l’auteur. Pour illustrer ce concept philosophique, il use d’une subtile métaphore. Maggie Carpenter ne sait pas de quelle manière elle préfère manger les œufs et s’adapte systématiquement au goût de ses prétendants. Cette grave lacune dans les fondements de sa personnalité conduit tous ses mariages à l’échec. Ce n’est qu’en affirmant son goût culinaire (sa personnalité) qu’elle parviendra à devenir enfin normale (mariée). Un beau soulagement pour le spectateur effrayé par tant de déviances décadentes…