En allant voir ce documentaire, ce qui relève déjà en soi d’un acte quasi citoyen, il faut se préparer à ne pas se fier à sa forme. Il est dit que Gilles Perret a, au préalable, réalisé onze documentaires de format long. Et en regardant celui-ci, à éplucher sa technique, on a le sentiment que c’est moins, beaucoup moins. Même s’ils sont plusieurs au générique à être en charge de l’image, on se dit parfois que c’est filmé à la webcam car ça pète de partout, ça tangue, les cadres sont un peu branlants et c’est coupé au montage de façon anarchique. Bref, c’est pas très beau esthétiquement et puis, au bout de quelques minutes, on finit par s’en moquer car le fond emporte le tout, mais le signifier est nécessaire car le film jouit d’une sortie cinéma et, de ce fait, il ne peut-être abordé comme s’il était diffusé sur Direct8 ou NRJ12. Autre possibilité de faux pas au début du documentaire, on craint que le réalisateur ne se prenne pour le John-Paul Lepers savoyard à envahir l’écran de sa présence, pour rien, sinon pour nous montrer sa proximité avec le personnage principal, ce dont on se fout et ce qui n’amène rien au récit.
Une fois ces quelques problèmes expurgés, il reste la sève même du propos qui est le devoir de mémoire. Et qui pose les questions suivantes : ce pour quoi se sont battus les résistants durant la Deuxième Guerre mondiale, qu’en avons-nous fait ? En sommes-nous dignes et prolongeons-nous le combat ? La réponse est clairement non. Même si certaines scènes viennent nuancer un peu cette réponse, le constat est désagréablement négatif, la relève est sur liste d’attente. On craint à un certain instant un amalgame, un rapprochement un peu trop grossier entre le nazisme et le sarkozysme. Mais on effleure seulement la piste avant de redécoller, plein gaz. Reste qu’il tient à coeur au réalisateur de revenir dès qu’il le peut à évoquer Hortefeux et sa politique d’immigration, Sarkozy et ses fameuses clowneries ne mesurant pas bien les événements commémoratifs auxquels il assiste, préférant s’échapper avec de la vanne chiraquienne qui fait pschitt. On n’apprend rien de ce côté-là et on assiste, dépités à une triste réalité du tout répressif.
Ce qui est intéressant et malin, et qui fait tout l’intérêt de ce documentaire, est de l’avoir axé sur Walter Bassan, résistant sous Pétain et aujourd’hui sous Sarko, dans sa quotidienneté. Il s’agit ici d’un homme digne, solide, ne se réfugiant jamais dans le pathos pour se faire plaindre ou faire penser que sa réalité était plus atroce que la nôtre. Il est le relais de la mémoire de l’humanité, celui qui sillonne les routes pour aller évoquer l’ignominie des camps de déportation aux enfants et aux adolescents, leur apprenant que lui, à leur âge, il était déjà enrôlé dans la Résistance, prêt à défendre ses idéaux piétinés par les godillots des collabos. A plus de 80 ans, Walter Bassan continue de s’exprimer et de faire en sorte que ce passé de maquisard de la France ne soit pas avalé, digéré et déféqué par le pouvoir en place. Mais il a fort à faire face à des enfants déconnectés, incapables de s’imaginer que ces histoires ont pu se passer autre part qu’à la télé. Pourtant, Walter ne se résigne jamais et il raconte sans imposer une quelconque idéologie. Il rappelle à chacun que grâce à des gens de son calibre la liberté fut rattrapée au vol, sans oublier de souligner que pour la conserver il va falloir recommencer à se mobiliser.