Aux portraits ultra pompeux et vaguement psychanalytiques qu’on avait dressé de Ray Charles (Ray) ou de Johnny Cash (Walk the line), Michael Jackson n’a pas eu droit. Et c’est heureux tant son histoire est connue de tous. Et puis on se demande bien qui aurait pu l’incarner. Cate Blanchett ? Seul un portrait à la Todd Haynes (I’m not there) pouvait lui rendre justice de ce côté de la fiction. Mais pressés par le temps, les producteurs de la tournée This is it (qui devait signer le grand retour de MJ à la scène et marquer sa révérence au public) n’ont pas eu d’autre choix que de rentabiliser leur investissement par la sortie mondiale du making-of des répétitions. Un peu comme en 1969 quand le festival de Woodstock était devenu gratuit et qu’il avait fallu trouver ailleurs des sources de revenus.
Filmé et vendu comme un concert (cette sortie mondiale limitée à deux semaines, comme s’il ne faisait que passer sur terre pour s’en aller poursuivre sa tournée sur la lune), This is it avait toutes les chances de n’être qu’une compilation montée à la va-vite, sortie pour satisfaire l’appétit religieux de millions de fans pas rassasiés de s’être appropriés jusqu’à la vie de l’idole. Et pourtant, on peut trouver à ce film (réalisé par le metteur en scène de la tournée, belle leçon d’arrivisme) de vraies belles lueurs. Chacune des apparitions de MJ sur scène était conçue comme un clip en live (derrière lui, un fond vert permettait de placer la star dans tous les décors imaginés). Tant et si bien que le spectacle en lui-même était déjà très cinématographique. Inséré par exemple dans un détournement de Gilda destiné à le placer au côté des grands mythes du cinéma américain, la plastique de MJ trouble face aux lignes moins fardées de Bogart et Hayworth, l’une l’aguichant, l’autre le poursuivant.
Si le film a les défauts qu’une demande pressante de commémoration par l’image ne permet pas d’éviter, il a aussi le mérite de replacer MJ dans son contexte de toujours, loin des affaires, des ragots et des malentendus : la musique. Où l’on voit le maître s’acharner sur une note, un rythme, un son pour en obtenir le meilleur effet. Et c’est presque sous un jour nouveau que l’on découvre Jackson, drôle, émouvant, persuadé de son génie et tout aussi persuasif. En ne le montrant qu’à l’oeuvre, de manière un peu trop maline et manipulatrice (MJ ne s’exprime pas, seuls ses proches collaborateurs parlent), This is it redonne à MJ un peu de ce que sa mythification lui avait soustrait : son humanité. « This is him », en somme.