Un couple de quadras angoissé par la routine retrouve l’amour passion au cours d’une folle nuit new yorkaise, à base de quiproquos, de mauvaises rencontres et d’action à gogo. After hours en mode comique à l’eau de rose, le programme de Crazy night, parfaitement synthétisé dans la bande-annonce, est respecté à la lettre. On doit ce tempo virevoltant à Shawn Levy (les nouvelles Panthère rose), hier faiseur officiel de Steve Martin, aujourd’hui porteur d’eau de Steve Carell. Lequel ne tourne plus qu’avec des faiseurs depuis sa starification au cinéma avec Judd Apatow, et jamais avec les mêmes en plus. Levy succède à Peter Hedges (Coup de foudre à Rhodes Island), Peter Segal (Max la menace), et cèdera bientôt sa place à Jay Roach (remake du Dîner de con). Peut-être un détail qui veut dire beaucoup, tant on peut tirer de cette drôle de tournante la marque d’une fébrilité teintée de fatalisme, l’angoisse rampante d’un piétinement créatif, d’un formatage tristounet. A force, Carell en devient presque un SDF du rire, sans cadre personnalisé, à l’opposé de tous ses confrères (Will Ferrell-Adam McKay, Adam Sandler-Dennis Dugan) qui, en s’allouant les services d’un fidèle compère, s’implantent plus solidement sur grand écran.
C’est que pour Carell, le cinéma tient davantage de l’art de la réaction, d’une succession de one shots efficaces. Déjà, physiquement, ça se voit : anti action-man par excellence, il joue tout en raideur et en poses amidonnées (remember Max la menace), entre l’éternel puceau et l’animal traqué. L’enjeu de ses films consiste à le confronter par la contrainte à quelqu’un ou quelque chose, une femme, un environnement exotique, un défi existentiel, n’importe quoi qui lui permette de se coincer et de se décoincer. Picaresque en diable, guidé par l’urgence de la survie (le couple de banlieusards pris pour un duo de maîtres chanteurs mafieux façon La Mort aux trousses), Crazy night entretient le principe de réaction comme on nourrit le foyer d’une locomotive, poussant sa star à improviser un petit morphing burlesque au gré de ses rencontres : bobo insupportable dans un restau branché, bad guy au langage de charretier face à une petite frappe, stripteaseur houellebecquien dans un backroom sordide.
Fatalement, ça fait rire, puisque Carell, en pro impeccable, se réinvente à la demande, tenant bon la barre tant que le film parvient à lui servir la soupe. Ce qui n’est pas toujours le cas. Pas tout à fait taillé sur mesure, Crazy night s’encombre de ressorts de comédies sentimentales interchangeables (crises de couple un peu longuettes) qui viennent segmenter l’abatage de l’acteur-star auquel il fait ajouter celui de son excellente partenaire, Tina Fey. Sans doute le prix à payer pour Steve Carell, clown passif contraint de louer les services du premier yesman venu.