Le voilà enfin ce film-mutant terminal que Chro attendait, cet objet génétiquement modifié qui devait surgir un jour ou l’autre du paysage cinématographique contemporain. Pensez : des hamsters commandos. Des hamsters commandos et une taupe hacker. Des hamsters commandos et une taupe hacker contre un Darty hégémonique. GI Joe shooté au musc ? Stuart Little sous amphétamines ? Mieux : une transubstantiation des enjeux de l’actionner. En devenant rongeur, le héros y accomplit la transformation ultime, dépasse sa condition, son enveloppe, pour s’incarner dans une boule de poils qui pue. Le point de non-retour. Oubliez les fusions homme-machine de Cameron, réel-virtuel des Wachowski et même les orgies organiques de Cronenberg : le devenir-héros passe par le campagnol. Oubliez aussi ces films-fractales qui tentent d’hystériser l’action, de lui coller un principe exponentiel jusqu’à l’abstraction : Misson-G vient de sublimer le genre en le rendant à son horizon primaire et absurde : la roue de hamster. Mouvement perpétuel qui ne conduit nulle part… Sinon dans le bac à litière.
Il y a quelque logique à voir un film estampillé Disney franchir ainsi ce Rubicon cinématographique. En 1968 déjà, tonton Walt était le premier à populariser le destin machinique du héros dans un film-matriciel que la critique devra bien réévaluer un jour : Un Amour de Coccinelle. Quinze ans avant Christine, trente ans avant Crash, on y célébrait les noces du mental et du métal, anticipant l’irrésistible mécanisation du biologique. Choupette, c’est un peu la grand-mère d’Evangelion. Quarante ans plus tard, l’époque a changé, les engrenages sont devenus génétiques, les enjeux virtuels. Dans Misson-G, nos Chipmunks s’épanchent donc sur Facebook et Lady Gaga, alors que la Terre est menacée par un complot de Nespressos® Transformers connectés en wifi. Un signe des temps. Et puis il y a notre taupe hacker, faux gentil miraud, vrai bad guy nétocrate, qui a décidé de mettre le consumtariat humain sous la coupe réglée de ses appareils électroménagers par la grâce du réseau tout-puissant (Jan Söderqvist et Alexander Bard récupéré par Nickelodeon : même à Chro on l’avait pas vu venir). Son mobile ? Se venger de l’élimination programmatique des taupes par l’humanité, la punir pour l’insupportable massacre de toute son espèce. Génocide contre génocide : métaphore au ras des mottes d’une humanité au pied du mur. Gaffe aux hérissons cet été.