Pic Saint-Loup, grand couturier du XVIe siècle est envoyé en Espagne pour relooker la fille d’un noble inquisiteur. Pédéraste à l’ancienne, (Jugnot, dans un numéro de folle glapissante qui rappelle moins Serrault que son compère Clavier), bouffon et râleur, il dissimule l’origine de ses petits chéris d’employés, un panel Ifop des minorités visibles, pour mieux leur éviter l’ostracisme de ces salauds d’étrangers. Mieux, il paraphrase le discours du Dictateur de Chaplin, en plein tribunal d’inquisition. Pas raciste, le français, donc. Alors que l’Espagnol, comme dirait Thierry Roland, est ici théoricien de la race supérieure, pervers, haineux, et physiquement supermoche – souligné dans le scénar, lu et approuvé par Besson. Hormis une servante d’origine arabe totalement victime du système, pas une exception à la règle. Bonjour la tolérance d’un film censé dénoncer tous les racismes…
Et pourtant, Jugnot s’était donné les moyens de harponner l’arrogance du blaireau tricolore donneur de leçon. Entre autres analogies à l’actualité, il place même l’intrigue quelques années après le massacre de la Saint Barthélemy. Histoire de questionner le racisme à la française, s’imagine-t-on. Mais non, le titre Rose et noir ne désigne qu’une segmentation manichéenne limite-limite, consistant d’une main, à taper de l’autre côté de la frontière, de l’autre, à peindre une France jouisseuse, rigolarde et généreuse, allez, au pire, un peu con-con. La naïveté va même jusqu’à absoudre Pic Saint Loup et les siens sur le pont d’un négrier, où la joyeuse bande finit par s’embarquer, sans rien connaître du contenu de sa cargaison.
Du coup, l’humanisme gentillet de Gérard Jugnot, toujours sympatoche à petites doses (les SDF, les scouts ou les simples flics par exemple), se moisit à vue d’oeil dès qu’il s’attaque à plus gros. Déjà dans Monsieur Batignole, il intronisait en un coup de cuillère à pot, la majorité silencieuse au panthéon de la résistance, via un senor Dupont ascendant collabo. Dans le cas de Rose et noir, cette politique des œillères n’est pas sans évoquer la nullité presque butée de la mise en scène, comme si Jugnot s’acharnait à ne retenir aucun enseignement de ses vingt-cinq années passées à réaliser des films – dix, tout de même, pas tous à jeter à la poubelle. Impossible de déceler ici, un quelconque rudiment de technique, la moindre étincelle d’expérience. Tempo Derrickien (alors que les rebondissements pullulent sur le papier), guirlande de singeries boulevardières, costumes d’une laideur repoussante, virtuosité à peine supérieure à celle d’un André Hunnebelle sous temesta, l’hypothèse d’un film-suicide n’est franchement pas à négliger.