12 rounds joue sur notre date de péremption mémorielle. Il plagie les années 90 en espérant que son public les aura déjà zappées. Un peu comme l’industrie musicale qui restaure de vieux tubes à coup de gros beats pour créer un effet de nouveauté. L’accélération de l’oubli fait le reste : la nouvelle génération ignorant peu ou prou la précédente, il devient facile de customiser la moindre régurgitation. A Hollywood, cette esthétique du remix fait florès depuis des années, mais sert jusqu’ici, et malgré elle la plupart du temps, un discours post-moderne sur les images et leur statut. La connivence ou le second degré qui s’instaure entre le spectateur et son film ne mène évidemment pas bien loin, mais au moins aucune tromperie sur la marchandise. La référence fait partie du jeu. 12 rounds ne prend même pas cette maigre peine : les modèles sont samplés et plaqués sans vergogne, le remix se réduit à un pastiche jamais assumé et qui finit mécaniquement par se déballonner. En même temps, avec Renny Deflatine aux platines…
Au-delà de l’affection nostalgique que l’on peut éprouver à son égard, il faut regarder Renny Harlin en face : c’est un yes man vaguement bourrin qui doit à trois succès au box-office le privilège de ne pas fleurir les bacs des direct-to-dvd. De bien des manières, son dernier opus fait la démonstration par l’absurde de cette sympathique imposture. S’il prend la pose de l’actionner burné, 12 rounds c’est juste Die hard 3 qui aurait copulé avec le cadavre de Speed. Un décalcomanie Malabar en forme de tatouages de gros dur. Structure, pitch, mise en scène : notre bâtard consanguin beugle « papas ! » à chaque bobine mais sans jamais se montrer à la hauteur de ses vieux. Même le programme ludique de départ (12 rounds, comme « 12 Travaux d’Hercule », comme « 12 bombes à désamorcer ») finit par imploser, victime du rythme artificiel imprimé par la shaky-cam. Si l’old school 16 blocks de Richard Donner était un vrai film de vieux, le 12 rounds de Renny Harlin a tout, c’est bien pire, du faux film de jeune. En panne sèche d’idées, le film n’a donc pas d’autre horizon que celui de la station de pompage. Notes pour plus tard : 1/ dire à John Cena de rendre ses fringues à Keanu Reeves, 2/ appeler Alan Rickman et Dennis Hopper pour leur dire qu’on a retrouvé leur fiston Aiden Gillen, 3/ penser à faire un casse en faisant croire à une vengeance personnelle, 4/ proposer à Brian White et Jeff Daniels de monter le club des potes-du-héros-qui-meurent-dans-une-explosion-en-voulant-piéger-le-méchant-qui-avait-tout-prévu-depuis-le-début, 5/ revoir Die hard 3 et Speed pour vérifier que la réplique « Ces messieurs du FBI s’amusent bien à essayer de tracer l’appel ? »y est bien prononcée. Sic, sic et resic. Au fur et à mesure, la littéralité suicidaire avec laquelle Renny Harlin cite les classiques de McTiernan et Jan de Bont, quinze ans après leur sortie qui plus est, prend des allures d’aveu d’impuissance. A moins qu’il ne s’agisse bêtement d’aveuglement ? « J’espère que 12 rounds sera le premier d’un nouveau genre de films d’action, lâche Harlin, sans rire, un cinéma d’action « docu-réaliste » tourné caméra au poing complètement différent des superproductions hollywoodiennes réglées au millimètre ». On lui dit ou pas ?