Malgré des débuts inouïs (la rêverie empoisonnée des Prédateurs), difficile aujourd’hui d’attendre grand chose de Tony Scott : même à son sommet (la coquille vide Domino), le cinéaste parvient à peine à ressembler – de loin – à une sorte de Tsui Hark sponsorisé par Feu Vert ou pire, une sorte de Wong Kar-wai pour routiers en rut. Vague remake d’un modeste classique des seventies, L’Attaque du métro 123 laissait au moins espérer un film simple et carré comme Scott sait aussi les faire (certains instants de Man on fire, son dernier film acceptable). Mais la syntaxe visuelle du cinéaste est devenue si mécanique, si feignante et si caricaturale qu’il semble impossible désormais pour lui de réaliser un plan sans sombrer dans l’emphase la plus rebutante : plus décérébré que jamais, le film multiplie les effets de manche avec une boulimie et une arrogance de petit caïd de collège qui rend les plans les plus rudimentaires insupportables (sommet : les rayons de soleil qui percent les gratte-ciels, accompagnés de bruits de rayons laser sortis d’une série Z de Luigi Cozzi).
On a suffisamment tapé sur l’esthétique cocaïnée d’un Oliver Stone pour ne pas voir ce qui, chez un gogo de la trempe de Tony Scott, tient moins de belles intuitions baroques que d’une tendance à transformer des scénarios abrutis en bibendums ripolinés et frimeurs. Les limites de L’Attaque du métro 123 (dont le plus embarrassant demeure le personnage assez grotesque de Travolta en ex-yuppie devenu catho intégriste) n’ont rien de détestable ; c’est plutôt cette manière d’en rester à un surplace permanent (les travellings refaits cinquante fois dans la base des policiers) et de dissimuler son impuissance totale à la beauté sous des pauses de styliste paranoïaque qui fait de Tony le plus faussement racé des petits roitelets du blockbuster hollywoodien. Expérimental ? C’est probablement la plus grosse arnaque qu’on ait pu entendre concernant un cinéaste si tristement programmé pour mixer ad nauseam tout ce que les années 80 et 90 ont produit de plus bâtard.