Il y a quelque chose de pourri au royaume de Poudlard. La mise en scène qui moisit entre les pierres du château ? Les enjeux qui se décomposent derrière une tenture ? La photo qui vire au vert de gris ? En tout cas, ça commence à méchamment refouler. En témoigne cet Harry Potter et le prince de sang mêlé, épisode neuneurasthénique qui élève le foutage de gueule au rang de tour de magie. Cette saga et son sabir ronflant n’a, c’est vrai, jamais eu qu’un intérêt tout relatif. Les deux Columbus (L’Ecole des sorciers, La Chambre des secrets) tombaient dans le fan-service sans âme. Le Mike Newell (La Coupe de feu) nous la jouait fantasy arthritique. Il n’y a guère que le Cuarón (Le Prisonnier d’Azkaban), malgré sa structure poussive, qui avait su déployer un univers graphique et dramatique à la hauteur. Mention passable donc, mais rien qui nous ait préparé au travail de sape qui suivra. En 2007, la Warner confie L’Ordre du Phénix à un quasi inconnu : David Yates. A son CV, plusieurs séries de prestige estampillées BBC (les polémiques Jeux de pouvoir et Sex traffic) et sans doute quelques ambitions hollywoodiennes. Résultat ? Un accident industriel : production design erratique, colorimétrie verdâtre à faire chialer Jean-Pierre Jeunet, ampleur épique d’un René Manzor (Un Amour de Sorcière), sans parler de la mort « Boba Fett approved » du charismatique Sirius Black. On craignait le pire pour la suite. On avait raison.
De nouveau confié à Yates, Harry Potter et le prince de sang mêlé se présente comme une version 1.1 de son pénible prédécesseur : la même mais en pire. Pour la photo Canard WC, la Warner a même poussé le vice jusqu’à débaucher – surprise ? – Bruno Delbonnel, le chef-op des derniers Jeunet. Si, si. Un aquarium mal lavé en guise de filtre, des choix esthétiques douteux en sus (la scène de la grotte), c’est le film entier qui se dilue peu à peu dans ses images glaireuses, se fendant au passage -on remarque ce qu’on peut- d’allusions aux sécrétions corporelles en tous genres (de la matérialisation des souvenirs jusqu’au générique de fin, ce n’est que crachats et éjaculations métaphoriques). Ce qui se joue ici ? Mystère. Rien n’émerge, aucune dramaturgie, aucune ligne directrice, l’intrigue est comme accessoirisée, réduite à son lexique d’apprenti sorcier et ses personnages en papier crépon (comprenez transparents et moches). Même le volet teen-comedy fait pitié à balancer entre Les Goonies et Martine fait de la magie. Ah si, spoilons un peu, l’affaire converge quand même vers la mort tragique d’un des héros. Climax émotionnel, paraît-il, de toute la saga. Climax que David Yates expédie ad patres, disons même foire avec application, le temps d’un champ/contre-champ de téléfilm. C’est en accueillant, navré, ce dénouement sous anesthésie, qu’on réalise l’ampleur du drame qui se joue sous nos yeux : il reste encore deux films.