On ne sait si c’est l’air du temps, un vrai nouveau départ ou le hasard pur et simple, mais ce mois-ci voit resurgir des formes électroniques laissées en friche depuis un moment – presque cinq ans en fait, que Modeselektor, Apparat et Chris Clark ont achevé d’écraser leurs mélodies chancelantes sous une dynamique massive et flambé les surfaces à renfort de torches 8-bit (souvenez-vous, les beaux instants terrorisés Turn deaf, Can’t computerize this, Empty the bones of you). Qu’ils aient ensuite déplacé leur électronique sur d’autres terrains plus emo, plus pop ou plus rave, c’est pourtant sans indulgence nostalgique (parce que Hello mom et Orchestra of bubbles étaient aussi de grands albums) mais avec un enthousiasme bien réel que l’on accueille ce retour à l’origine avec d’un côté, le combo Modeselektor + Apparat ressuscité d’entre les morts et de l’autre, le newcomer Mondkopf (lire notre entretien). Au centre, deux albums à contre-temps de l’époque, Moderat et Galaxy of nowhere, dont on loue étonnamment les formes un peu partout ces jours-ci.
Cette anomalie, Moderat la justifie presque par son impressionnant titre d’ouverture, A New error. Arpèges léthargiques, pilon titanesque, Apparat fait pleurer la matrice quand Modeselektor branche le courant en surtension. On observe béat les étincelles fuser de partout sur les très beaux Rusty nails et Seamonkey – qu’on s’étonnerait presque si, après telles explosions, le groupe parvenait à faire fonctionner la mécanique au même régime sur le reste de l’album. Passée la fonte totale des circuits imprimés, on s’émeut de la reprise du moteur un court instant (3 minutes of nasty silence), puis on assiste effectivement plus désolé au spectacle du bug dans la machine, entre autres flow ragga (Slow match, Sick with it) et rythmiques dubstep (Out of sight) qui bégaient sur des nappes ambient. Pour le reste, Moderat a la toux d’une usine en déshérence, entre élans pompiers (Porc#2) et techno industrielle (No. 22) si bien qu’on éteint la machine, préférant le souvenir des premiers éclats aux mornes perspectives d’une electronica qui n’a plus le souffle pour exprimer grand chose.
Le vrai nouveau départ, on l’imagine plus volontiers chez Mondkopf, à destination d’une galaxie imaginaire dont on a eu vent grâce à quelques maxis (Declaration of principles et Nuits sauvages) et concerts explosifs, où il s’est fait, d’une certaine manière, l’ héritier du Warp période Artificial Intelligence, quand l’électronique croisait innocemment les genres (abstract, rave, trance goa), des étoiles plein les yeux. Qu’il imite Brian Eno dans sa chambre (Music for my room) ou appuie fort sur les temps comme la plus violente des déflagrations rave (La Dame en bleu, Libera me), Mondkopf nous dévoile sur disque un trait précieux, qu’il partage pour l’heure un peu seul avec les aînés Aphex Twin et Plaid : cette candeur à l’abord de la musique, qui tantôt touche droit au coeur (les reflets mélodiques de son Bain du matin, à glacer l’échine), tantôt agace par son exubérance naïve (Scream of stars, Lambs are dancing). Restent ici pourtant l’émouvant spectacle d’une éclosion et la promesse d’une écriture libre, dont on attend avec ferveur les prochaines signatures pour nous montrer la voie -celle des Planètes et des Voyageurs.