Parfois, le jeu vidéo, c’est aussi une affaire de cuisine. Littéralement. Prenez Onechanbara, horrible beat’em-all avec des babes dézinguant joyeusement du zombie sous anxiolytique. La cible visée est claire : un public d’otakus très excités à l’idée de ce combo de série Z savamment dosé (filles en bikini + gore qui tâche = jouissance assurée). Le jeu assume sans complexe son parti pris, fond de commerce inusable et racoleur misant sur l’instinct primaire du gamer. Découper au katana des ennemis avec l’IA d’une moule, dans des effusions de sang où le ralenti n’est pas un effet de style mais une méchante chute de framerate, pas de problème. C’est laid ? Le gameplay est inexistant ? Techniquement, on tutoie une autre époque ? Les décors hyper répétitifs conçus à l’arrache donnent la nausée ? Indiscutable, à se demander si c’est pas voulu. Mettons que ça le soit, pas possible autrement. Onechanbara, c’est un peu comme un Tex-Mex cradingue arrosé de tequila bon marché. C’est mauvais, franchement mauvais. Pas bon pour la santé, du genre à boucher les artères, plomber l’estomac, donner une méchante gueule de bois, avec un sale goût dans la bouche. Tenace, très. En revanche pas la prétention de faire du Bocuse, on sait où on est. C’est déjà ça.
Il y avait la junk food, voici le junk game. Sauf que si on a toujours un petit faible pour les bombes caloriques servies dans des endroits pas très fréquentables, en jeu, c’est plus dur à avaler. Se farcir, bien saignant, du zombie amorphe au kilomètre, dans un level design atrocement désertique servant de pur prétexte (créer l’illusion d’une progression), demande une certaine dose de volonté. Ou d’auto persuasion, sans doute aussi un peu d’abnégation et d’appétence pour le mauvais goût. Après trois niveaux, grand max, on doit avouer avoir rendu les armes, le couvert, la serviette, notre tablier, tout. La motivation d’un string quasi invisible éclaboussé par des hectolitres d’hémoglobines digitaux n’est pas une troublante analogie qui nous motive. Onechanbara, ou l’équivalent du porno gonzo pour geek en rut se paluchant sur des posters d’anime. Sans faire le vieux con, on a passé l’âge. Pas qu’on se refuse à une bonne vieille orgie gratuite et généreuse avec des culs serrés à customiser, mais notre sens de l’esthétique à son minimum d’exigence. Et Tamsoft, auteur de ce nanar autoproclamé, vise un peu trop bas, il y a des limites. Elles sont dépassées.
Que le soft n’ait aucun enjeu, passe encore. Mais faire exploser à ce point le taux de cholestérol, pardon de testostérone, en rognant absolument sur tout, pour ne garder que le gras, c’est l’indigestion assurée. Et on tient à nos intestins, question de survie. Onechanbara, c’est tellement immonde à regarder qu’on en vomirait des yeux – une image douloureuse à imaginer, faut en convenir. Pourtant, au début, vite fait, vraiment vite, on y a cru. Cinq minutes, le temps de considérer que si on persévérait, ce serait l’hosto assuré ou la fin de notre amour propre. Parce qu’il faut avoir un peu perdu toute dignité pour jouer à Onechanbara. La complaisance bis, Z, hyper régressive, misant sur une connivence débilo-mammaire, il y a un moment où faut dire stop. Rien de culte ici, tout est beaucoup trop calculé pour ça. Le jeu arrive trop tard, il veut son petit morceau de contre culture vidéo ludique alors que depuis longtemps le cinéma lui a grillé la priorité. Onechanbara est has been dès sa sortie, il ne fait que maintenir l’illusion d’un renversement des valeurs elles mêmes renversées depuis belle lurette. D’autant que sur un terrain similaire (les babes en moins, certes), God hand avait prouvé avec beaucoup plus d’ambitions qu’on pouvait encore entretenir le mythe avec un gameplay solide. Mieux, Mikami et sa bande le portait à sa quintessence, lui donnant ses lettre d’or tout en l’enterrant au passage. Suite et fin, tout le reste ne sera qu’une répétition d’après l’apocalypse.