D’abord, coup de chapeau à l’affiche, qui offre une belle synthèse de ce machin. En bas, un visage affligé, son regard comprimé comme si c’était tout le cinéma d’Egoyan qui lui tombait sur le sommet du crâne, et au bout de ce regard, l’horizon du film, celui de la méningite pure et simple. En haut, confirmant : un pilon de questions qui lui descend sur la caboche, à la manière d’un presse-purée. Son père est-il un assassin ? Sa mère est-elle une victime ? La vérité est-elle sur Internet ? Qui re-veut de la purée ? Misère du film-cerveau, ici sous la forme du pensum chic et festivalier : si les sourcils sont froncés (sur l’affiche et tout au long du film, c’est gaguesque), c’est qu’Egoyan, depuis les années 90, se pose tout plein de questions. On dit : depuis les années 90. Ce serait à entendre, aussi, au sens où Adoration, qui prétend, entre autres, en découdre philosophiquement avec les nouvelles images et Internet, semble un film irrémédiablement daté, comme extirpé d’une capsule temporelle scellée dans les 90’s. Au rayon « Les thèmes du film » du dossier de presse (dont la seule présence en dit long), Egoyan s’échauffe rudement les méninges : « Le problème de la technologie, explique-t-il, c’est qu’on ne peut pas en faire l’apologie, mais on ne peut pas non plus la diaboliser ». Gros dilemme. Mais belle aubaine, pour un cinéaste-philosophe.
Un mot du pitch. Simon, un adolescent orphelin recueilli par son oncle, voudrait connaître la véritable raison de la mort de ses parents (déjà, les « thèmes » clignotent : IDENTITE, MEMOIRE). En classe, sa prof (Arsinée Khanjian) lui propose de monter une espèce de canular maïeutique : Simon fera croire au reste de sa classe que son père était un terroriste (VERITE, SIMULACRES), prêt à sacrifier sa propre femme pour la cause défendue (TERRORISME, MORALE). Le canular se retrouve sur Internet, tout s’embrouille, et puis Arsinée Khanjian déboule chez le tonton déguisée en Belphégor pour lui chiper ses décorations de Noël. À la fin, quand tout le monde a suffisamment froncé les sourcils, le puzzle trouve une vague résolution. Les « thèmes », Adoration n’est fait que de ça, dressant ce qui ressemble à une compilation de mots-clefs, à la manière d’un manuel de révision du bac philo, puis les jetant dans un scénario labyrinthe dans l’espoir de recueillir, au fond du presse-citron, du jus de cinéma. Au final, c’est tout l’inverse évidemment : pas un gramme de cinéma dans ce bouillon de cervelle où flottent, solitaires et prisonnières de la tambouille, des pelures de personnages. La manière insupportablement pompeuse dont Egoyan les filme au moyen d’un travelling permanent dit bien sa notion de la mise en scène : une pure visite guidée dans le musée de cires de ses intentions.