Benoît Jacquot adapte un roman à succès de Pascal Quignard et attrape au vol une Isabelle Huppert inquiète guettant au portillon d’une nuit pavillonnaire l’homme qu’elle aime et sa maîtresse. Surgit Jean-Hughes Anglade, un ami d’enfance. C’est trop : Ann, le personnage joué par Huppert, décide de partir. Quitte cet homme qui la trompe, quitte tout, vend son appartement, voudrait disparaître complètement, se retirer du monde. Trouver, au propre comme au figuré, sa Villa Amalia, son ailleurs, un dehors de sa vie. Au récit de cette fuite, Benoît Jacquot appose sa touche, qui cherche à susciter, disons, un romanesque « à fleur de peau » allié à une certaine vitesse d’exécution, tandis qu’Isabelle Huppert y appose son jeu déterminé, coupant, cinglant et rapide, avec sa bouche qui, lorsque elle est fermée, semble exiger un silence absolu, en tous points du monde. Elle figure la mue de son personnage avec la même résolution sèche, au nom d’une identique causalité, qu’elle claque une porte ou ferme la ligne téléphonique de son appartement.
Ça n’est pas vraiment le scoop de l’année, mais Isabelle Huppert est assez fortiche comme actrice, et il n’est pas toujours facile à Villa Amalia d’exister à côté d’elle. Surtout qu’il est assez inégal. A la longue et assez belle escapade transfrontalière du personnage (une randonnée européenne qui la fait traverser les Alpes, se débarrasser de ses sacs, de ses vêtements, à la manière d’un fugitif), s’oppose ailleurs la sensation que l’on nage là en plein fantasme bourgeois. Que le personnage soit artiste (pianiste célèbre, compositrice savante, à succès) pose un voile sur le film, comme s’il était difficile de concevoir que la fuite soit autre chose qu’un geste d’artiste, là où le film s’occupe au contraire à en montrer la dimension inexorable, inexpliquée, urgente et nécessaire. C’est une évidence, mais elle ne passe pas. Le côté photogénique, ou séance photo, de Villa Amalia (voire Maison & travaux : Isabelle Huppert prenant la pose dans sa cabane italienne, so chic) l’enduit d’un petit quelque chose d’irrésistiblement artificiel, ou mieux : composé.