Le pitch est génial, si génial qu’il est bien difficile à Idiocracy de se hisser à la hauteur de son idée de base. Jugez plutôt : de nos jours, l’armée américaine choisit dans ses rangs le soldat le plus absolument moyen de tous pour une expérience d’hibernation. Le bidasse doit rester un an dans un congélo, mais à la suite d’une mésaventure, il est oublié pendant 500 ans. Durant ce demi-millénaire, le niveau intellectuel de l’humanité a complètement chuté, si bien que Private Findus se réveille en 2505 dans un monde complètement idiot, où il apparaît, de très loin, comme l’homme le plus intelligent de la planète. Pitch génial, donc, que cet Hibernatus au pays des demeurés. A cette aune, le film est forcément décevant, mais pas nul. Le meilleur d’Idiocracy est la sorte de documentaire sur le monde de 2505, tel qu’il est façonné par la stupidité. Auparavant, un préambule explique que les crétins se reproduisant bien davantage que les gens au QI élevé (qui avant de faire des enfants hésitent, se demandent si la conjoncture est favorable), il est naturel que le niveau intellectuel s’affaisse au fil des ans. Quand le soldat surgelé débarque dans le futur, le tableau fait froid dans le dos.
Imaginer un monde entièrement régi par la connerie, c’est se confronter à une sorte d’abîme. Mike Judge ne traite pas l’idiotie au sens classique, métaphysique du terme, mais comme un pur élément anxiogène. La ville par exemple, devient un énorme chantier crasseux et bricolé où les immeubles tiennent avec de la ficelle. Image effrayante : d’un pont à moitié détruit, mais visiblement toujours ouvert à la circulation, des voitures tombent les unes après les autres et s’écrasent sur un énorme tas de ferraille. Ailleurs, sur la façade d’un hôpital délabré, on a écrit le nom de l’établissement sans tenir compte de la largeur du bâtiment, si bien que les lettres penchent sur la fin. A l’intérieur, un nettoyeur automatique borné bute depuis des années contre un mur, tandis qu’une voix répète inlassablement « votre surface est nettoyée ». Quand le film prend le temps d’exhiber l’effroi de la bêtise à l’état pur, c’est assez inquiétant et réussi. A cela se greffe une satire plus attendue sur l’Amérique bourrine de Bush. Le président des Etats-Unis est un célèbre acteur de porno bodybuildé. On voit bien où le film veut en venir, mais la satire politique est un peu lourde, tout comme les péripéties du scénario – du malheur d’avoir de bonnes idées. Heureusement, le film est bref. Complètement abandonné par la Fox qui a refusé de le promouvoir (la chaîne Fox News y est bien sûr éreintée), quasiment pas distribué, ne devant sa notoriété qu’à YouTube où il est visible par morceaux, Idiocracy bénéficie en France d’une sortie technique, comme on dit, qui ressemble à un enterrement programmé. On en reparle dans 500 ans.