On avait déjà croisé dans votre filmographie quelques personnages d’étudiantes, mais Haewon et aujourd’hui Sunhi s’attellent au portrait d’étudiante comme un genre en soi. Comment expliquez-vous que ce type de personnage vous inspire autant ?
C’est parce que j’ai une expérience de la vie très limitée.

On a l’impression, par ailleurs, que ces jeunes femmes ressemblent de plus en plus aux personnages masculins que vous aviez l’habitude de filmer : elles sont tout aussi indécises et immatures. Y a-t-il tout de même, selon vous, une différence entre ces personnages ?
Si vous avez cette impression, c’est simplement parce que quand ils sont au premier plan, mes personnages font ce que je veux qu’ils fassent.

Devant Sunhi on pense par moments à La comtesse aux pieds nus de Mankiewicz. Aimez-vous ce film ?
Je ne l’ai pas vu.

Entre l’homme et la femme, on dirait qu’il ne peut y avoir chez vous que des rapprochements ponctuels : la séparation est inévitable. Pourriez-vous filmer une histoire d’amour qui réussisse, et qui se prolonge ?
Dans la vie, j’ai vu plus d’histoires d’amour ratées que réussies.

Vous cultivez un goût de plus en plus prononcé pour les tournages légers, sans contraintes… Vous reconnaissez-vous dans l’idée de Rohmer, quand il disait qu’avoir trop de moyens pour faire un film vous conduit à perdre votre liberté ?
Oui.

Cette économie très réduite vous autorise à faire un cinéma très subjectif, et biographique. Faut-il voir, là aussi, l’influence de cinéastes français comme Eustache, ou Philippe Garrel ? On a le sentiment que, comme chez Garrel, vous filmez la répétition des gestes, du quotidien, jusqu’à ce qu’il en ressorte une matière presque onirique…
Je n’ai pas vu les films de Philippe Garrel. J’en ai vu un de Jean Eustache, « La maman et la putain ». C’était bien. Et, oui, la répétition transforme les choses en autre chose sans vraiment transformer les choses elles-mêmes.

Concevez-vous votre façon très simple de travailler comme un geste militant ? Avez-vous tout de même un goût pour les films très produits ?
Je peux faire ce que j’ai envie de faire avec très peu d’argent. Je fais en sorte de ne garder que ce qui m’est utile, de façon à me sentir aussi libre que possible. Et, oui, j’aime bien les films à gros budgets, des fois.

Vous faîtes une utilisation très particulière du plan-séquence. Ce n’est jamais un tour de force. Il y a au contraire une forme d’oisiveté, d’agréable ennui. On a le sentiment que le plan-séquence n’est jamais là pour donner à sentir le temps qui passe, mais au contraire pour faire oublier que le temps passe… Est-vous d’accord avec ça ?
J’aime bien ce que vous dîtes !

Vos personnages se transmettent régulièrement une forme de sagesse populaire. Sunhi se termine sur cette petite leçon : « Les gens font ce qu’ils veulent et les autres ne peuvent rien y faire ». Mais en même temps vos personnages sont toujours trop immatures pour utiliser ces petits conseils, ces petites maximes. On a l’impression que ce qui compte, c’est surtout de les transmettre…
Oui, et filmer cette transmission est un moyen d’exprimer la distance entre les mots et la réalité.

Seriez-vous d’accord pour dire que vos personnages sont un peu comme de jeunes enfants ? On a l’impression que tous sont, en quelque sorte, restés au stade oral : ils ne font que manger, boire, fumer, parler, embrasser…
Peut-être que nous sommes tous restés des enfants, voilà tout.